La carrière de Pierre Boulez ne peut en aucun cas être soumise à la synthèse ou au bilan devant l'extraordinaire pouvoir créateur du grand maître. L'activité de ce « Dieu musical », comme l'a qualifié Pascal Dusapin, est tout simplement débordante, surhumaine. À la fois chef d'orchestre, pédagogue, théoricien, et avant tout compositeur, il crée également l'Ensemble Intercontemporain et l'IRCAM (Institut de Recherche Acoustique Musique) tout en étant au cœur d'une volonté de réforme de l'Opéra avec Jean Vilar et Maurice Béjart, et en jouant un rôle important pour la fondation de la Cité de la musique et de la Philharmonie de Paris. Autrement dit, un homme de transmission, d'institution mais surtout un homme pleinement au service de la création musicale française dont le rayonnement mondial témoigne de son importance. Que nous lisions ses défenseurs ou ses détracteurs, nous retenons que Boulez capte toutes les attentions tout simplement car il est un homme d'exception, un créateur prodigieux.

Pierre Boulez, 1968
© Nationaal Archief, CC0

D'une culture vertigineuse, la littérature et la peinture s'inscrivaient pleinement dans les processus compositionnels de nombreuses de ses œuvres et de ses réflexions théoriques. Un des exemples les plus importants et probablement une de ses œuvres les plus connues est Le Marteau sans maître d'après des poèmes de René Char où le texte est traité musicalement à la fois de manière très novatrice tout en conservant certains gestes de références sémantiques dans le discours musical. Que ce soient les références à Paul Klee, notamment dans son ouvrage passionnant Le pays fertile, ou bien aux poèmes de Stéphane Mallarmé dans Pli selon pli, les références artistiques sont de véritables stimuli compositionnels pour Pierre Boulez.

En tant que chef d'orchestre, Pierre Boulez cultive une gestuelle dotée d'une alliance exceptionnelle de simplicité, de précision extrême et de finesse. Nombreux sont les témoignages qualifiant ce musicien inatteignable d'extrêmement disponible, généreux et chaleureux. Un homme qui sait rester discret tout en révélant sa profonde humanité.

Au delà de son œuvre musicale, Pierre Boulez nous laisse également une richissime littérature dont nous pouvons citer parmi ses nombreux ouvrages fondamentaux : Penser la Musique aujourd'hui, Jalons (pour une décennie), ou les Leçons de musique et les Relevés d'apprenti. Ce dernier contient à lui seul de nombreux écrits essentiels comme « Schoenberg est mort », « Stravinsky demeure » contenant une analyse célèbre du Sacre du printemps ou bien encore « A la limite du pays fertile ». Autant de textes, qui on marqué et qui marqueront encore de nombreuses générations. Le plus saisissant est l'intensité de la richesse de ces nombreux ouvrages.

Ne nous attardons pas aux quelques citations dites polémiques citées ci et là, choyées par ses détracteurs et ayant déjà fait couler tant d'encre. Ayons un regard critique sur de nombreux auteurs qui s'improvisent détracteurs d'un puissant créateur musical alors qu'ils n'ont aucune capacité véritable à mesurer l'immensité de l'apport de Pierre Boulez. Découvrons plutôt ce personnage essentiel de la pensée musicale de la seconde moitié du XXe siècle en tentant de partager une part de richesse et de grandeur de l'humanité qu'il a su avec conviction, détermination nous proposer, nous offrir. Prenons présentement la mesure de son apport dans l'existence de chacun d'entre nous, dans l'expérience musicale de chacune de nos vies.